Analyse linéaire : Scène de la rencontre entre Manon Lescaut et le Chevalier des Grieux.
Publié le 19/02/2024
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Analyse linéaire : Scène de la rencontre entre Manon Lescaut et le
Chevalier des Grieux.
Manon Lescaut, de l’Abbé Prévost (1731)
Introduction :
Présentation de l’auteur et de l’œuvre :
En 1731, l’Abbé Prévost, homme d’église à la vie sulfureuse, publie le
dernier tome des Mémoires et aventures d’un homme de qualité qui s’est
retiré du monde dans lequel un « homme de qualité », Monsieur de
Renoncour, relate l’Histoire du Chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut.
Communément appelé Manon Lescaut, ce roman fera scandale et sera
condamné par deux fois en 1733 et 1735.
Pourtant, selon son auteur, ce
roman devait constituer pour les lecteurs, « un traité de morale, réduit
agréablement en exercice ».
En montrant les ravages de la passion sur
ces personnages, l’Abbé Prévost souhaitait encourager le lecteur à
résister à la passion et à se préserver du péché.
Présentation de l’extrait :
Nous assistons dans notre extrait à la première rencontre, fortuite, entre
le CDG et ML.
En effet, depuis quelques pages, CDG raconte au moyen
d’une analepse son histoire d’amour avec ML à R.
Il raconte ici leur
première rencontre et fait part de son coup de foudre pour ML, mais un
coup de foudre placé sous le signe du tragique.
Lecture du texte :
Problématique : Nous nous demanderons comment s’organise cette scène
de rencontre et dans quelle mesure elle annonce la fin tragique du
roman.
Plan : Nous distinguons trois mouvements dans ce texte :
- De la ligne 1 à la ligne 5 : Le cadre dans lequel a lieu la rencontre entre
CDG et ML.
- De la ligne 5 à la ligne 12 : Le coup de foudre de CDG pour ML.
- De la ligne 12 jusqu’à la fin : L’échange entre CDG et ML.
Conclusion :
Fermeture : Cette scène est donc celle d'une rencontre amoureuse : le
jeu du regard, la passion, le coup de foudre : tout y est.
Mais elle reste
originale car on n'a que les impressions d'un des personnages, le
narrateur.
Cette rencontre joue avec les attentes du lecteur : en
jalonnant son récit d'éléments rétrospectifs, Des Grieux crée une attente
chez le lecteur qui désire savoir ce que sont ces malheurs.
Ouverture : Une autre rencontre aura lieu entre les deux amants : celle à
Saint-Supplice.
Après avoir été séparés durant un an, Manon et Des
Grieux se retrouvent, et cette fois-ci les sentiments de Manon se feront
jour plus clairement.
Développement : Analyse du mouvement 1.
Commençons par le premier mouvement qui présente les circonstances
de la rencontre entre CDG et ML.
Cette scène relève du topos de la rencontre amoureuse, qu’on trouve
dans les romans d’amour.
Dès la première phrase du récit, le pronom de la première personne du
singulier, « Je » (focalisation interne) permet au souvenir de prendre
corps et de nous être présenté précisément tant du point de vue
personnel que spatio-temporel sur un registre réaliste.
CDG insiste sur les circonstances remarquables de la rencontre à venir.
L’utilisation du verbe “avait marqué” est doublement significatif car il
traduit d’abord une sage décision.
Mais il souligne aussi un destin en
marche, inéluctable (c’est parce que CDG retarde son départ qu’il
rencontre ML) et il marque d’une croix blanche (ou noire) le début de sa
relation amoureuse avec Manon.
L’interjection « Hélas » dès la seconde phrase confirme l’importance de
cette rencontre et l’oriente vers le registre pathétique et tragique.
La
phrase exclamative et négative « que ne le marquais -je un jour plus
tôt » souligne ce sentiment en prévenant le lecteur que le récit débute
sous le signe du regret.
Tout s’est joué en un jour ainsi que le suggère le
conditionnel passé « j’aurais porté », sa vie bascule en une seule journée.
Cela crée aussi un effet d’attente : le lecteur se demande ce qui peut
bien provoquer un tel regret.
Cet effet d’attente trouvera une forme de
réponse à la ligne suivante avec le rejet de l’expression hyperbolique «
toute mon innocence » à la fin de la phrase : Le terme « innocence »
associé au père « chez mon père » évoque l’obéissance et le respect du
fils dans une relation forte avec celui-ci, mais aussi l’absence de péché.
CDG regrette la perte de son innocence, une perte morale due à sa
rencontre funeste avec ML.
Des lignes 2 à 4, CDG retarde le moment d’évoquer la rencontre, comme
pour créer un effet de suspense.
Il a recours à une phrase complexe qui
permet d’introduire un autre personnage important, Tiberge, l’ami qui
saura le sortir de nombreuses situations.
Dans cette même phrase, on
retrouve certains éléments qui permettent de créer un effet de réel
rendant le récit authentique.
C’est le cas de la mention du « coche
d’Arras » ou de celle de « l’hôtellerie ».
De même cette phrase est l’occasion pour DG de se dédouaner de toute
préméditation : l’emploi de la première personne du pluriel, « nous », qui
inclut Tiberge et lui, le dégage de toute responsabilité pour ce qui va
suivre.
Seule la curiosité l’a guidé ce que souligne la négation restrictive
« Nous n’avions ...
que »
Par contraste, la phrase courte qui suit « Il en sortit quelques femmes »
lance véritablement l’action et concentre l’attention et la curiosité du
lecteur sur les femmes.
Analyse du mouvement 2 :
Passons maintenant au deuxième mouvement des lignes 5 à 12.
L’utilisation de la conjonction de coordination « mais » en ouverture de ce
mouvement marque un effet de rupture pour introduire l’entrée en scène de ML.
Le
lecteur assiste à la rencontre visuelle entre le CDG et ML : nous avons comme un
effet de zoom, on passe d’une vue d’ensemble à un plan rapproché.
La redondance des expressions « resta une », « seule », permet de distinguer la
jeune femme des autres.
Tout semble avoir disparu autour de CDG : seul ML compte.
A partir de la ligne 7, CDG évoque son coup de foudre avec l’hyperbole « si
charmante » et le verbe « me parut », qui montre qu’il subit ce coup de foudre.
Le point de vue est interne et le lecteur vit la scène à travers les yeux de CDG.
L’utilisation de l’adjectif qualificatif « charmante » est intéressante car polysémique.
Le charme désigne non seulement la beauté de la jeune femme, mais aussi au sens
étymologique le pouvoir magique, ensorceleur de ML.
L’utilisation de la proposition subordonnée circonstancielle de conséquence « si…que »
montre que le personnage se transforme sous le sort de l’héroïne.
Nous remarquons une antithèse entre les propositions subordonnées relatives qui
décrivent au passé CDG avant cette rencontre, une description très méliorative, avec
l’emploi des termes « sagesse », « retenue », « admirait », et la transformation
subite, actuelle, marquée par le lexique de la passion : « enflammé tout d’un coup
jusqu’au transport ».
Des lignes 7 à....
»
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