Chine - Europe : Peut-on éviter la guerre commerciale ?
Publié le 10/12/2024
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Chine – Europe : peut-on éviter la guerre commerciale ?
Christophe Rodrigues
Octobre 2024
En octobre 2024, l’Union européenne par la voix de se présidente de la Commission Ursula von
der Leyen a instauré un disposiBf de taxe sur les véhicules électriques en provenance de Chine
qui entrent sur le territoire européen.
CeFe décision fait suite aux conclusions d’une enquête
conduite par les services de l’UE entre octobre 2023 et juin 2024.
CeFe enquête apporte des
preuves d’un vaste disposiBf de subvenBon mis en place de longue date par les autorités
chinoises à desBnaBon de leurs constructeurs.
Or, nous savons que le secteur automobile
européen est à la peine et parBculièrement dans sa composante électrique.
Les constructeurs
européens rencontrent des problèmes structurels de coûts par rapport à leurs homologues
chinois et, surtout, ils ne maitrisent pas la technologie des baFeries qui équipent les voitures et
qui représentent l’essenBel de la valeur ajoutée du produit.
Face à une concurrence asiaBque
jugée en Europe fortement déloyale, que faire ? CeFe décision d’un protecBonnisme tarifaire
fait écho à ce que font déjà les Etats-Unis mais aussi d’autres pays comme l’Inde.
Elle semble
être de premier abord la réacBon logique et légiBme alors que l’UE a décidé de sorBr de la
voiture thermique à l’horizon 2035 et qu’elle doit décarboner et simultanément réindustrialiser
son système producBf.
Pour autant des voix fortes s’élèvent pour affirmer que c’est une erreur
stratégique, que les représailles du gouvernement chinois vont inexorablement nous conduire
vers une guerre commerciale dont les conséquences pourraient être que plus néfastes pour
l’économie européenne.
Alors, droits de douanes ou pas droits de douanes ? Et peut-on encore
éviter la guerre commerciale sino-européenne ?
Le 4 octobre dernier, les États-membres de l’Union européenne ont voté pour me;re en
œuvre un disposi=f de protec=onnisme dit tarifaire, c’est-à-dire des droits de douane, à l’égard
des voitures électriques produites sur le territoire chinois et qui commencent à être vendues
au sein de l’Union.
L’argument défendu par l’UE et porté par la Présidente de la Commission
européenne, Ursula von der Leyen, repose sur l’existence de subven=ons massives octroyées
par l’Etat chinois à la produc=on du secteur automobile électrique sur son sol.
Ces subven=ons
conduisent à une concurrence jugée déloyale en Europe et, selon les termes de la Commission,
menace de produire des dommages économiques aux producteurs de véhicules européens à
ba;erie électrique.
Ce vote fait suite à une vaste enquête, conduite par l’UE entre octobre
2023 et juin 2024, concernant les condi=ons de produc=on des véhicules électriques en Chine.
Celle-ci a révélé des subven=ons massives versées par le gouvernement chinois aux
constructeurs installés en Chine.
Les conséquences ne se sont pas fait a;endre.
Le gouvernement chinois a répliqué en
évoquant également le caractère déloyal de ces mesures protec=onnistes.
Dès le mois d’aout
dernier et sans a;endre le vote des 27, l’Etat chinois a déposé un recours devant l’OMC (auprès
du tribunal de règlements des différends) pour faire valoir l’irrégularité de l’enquête conduite
par l’UE à son endroit en contestant notamment les droits de douanes provisoires qui se sont
appliqués à par=r le mois de juillet.
Par voie de presse, le président chinois, Xi Jinping a ensuite
indiqué que des représailles commerciales seraient engagées concernant notamment les
exporta=ons de spiritueux tels que le cognac et que des enquêtes pour pra=ques de dumping
de l’Europe à l’égard de la Chine serait rapidement engagées (notamment sur les filières du
porc et des produits lai=ers).
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En fin de compte, on comprend que tous les ingrédients de ce qui est usuellement appelé une
guerre commerciale sont présents.
Pour autant, il est difficile d’imaginer que l’Union puisse
rester indifférente aux bouleversements majeurs à l’œuvre sur le marché de l’automobile
électrique et à la fragilisa=on de son système produc=f alors même que nous avons un besoin
urgent et simultané de décarbona=on et de réindustrialisa=on.
S’agissant de la France par
exemple, nous avons par=ellement remis en cause le disposi=f de bonus écologique sur les
voitures électriques depuis le début de l’année 2024 notamment pour des raisons de coût sur
les finances publiques mais aussi, sans doute, pour éviter que cela se traduise par des achats
trop rapides de véhicules dits « chinois », alors que notre secteur est déjà en difficulté.
Parallèlement, on sait que l’UE a adopté un principe d’interdic=on de la vente de véhicules
thermiques neufs à l’horizon 2035.
En résumé, nous devons électrifier le parc automobile mais
nous ne sommes manifestement pas prêts.
Alors que penser ? Peut-on dire que le
protec=onnisme douanier choisi par l’UE est nécessaire malgré tout et que l’Europe se doit de
réagir face à la concurrence agressive des constructeurs chinois ? Et si c’est nécessaire,
comment peut-on éviter la guerre commerciale qui en découle ? Quelles sont les autres
op=ons poli=ques ?
1- Marché des véhicules électriques : la concurrence chinoise est-elle déloyale ?
BYD : un parcours hors du commun
Afin d’évaluer la compé==vité des constructeurs chinois, le plus simple est sans doute de
prendre l’exemple d’un constructeur.
BYD (Build your dreams) est une firme dont le siège est
installé à Shenzhen en Chine.
Elle a dépassé Tesla en 2023 pour devenir le leader mondial de
l’automobile électrique.
Avec 91 milliards de dollars US de chiffres d’affaires en 2023, BYD
présente une stratégie de business model atypique : son cœur de mé=er originel est celui des
ba;eries électriques (1995) et c’est ensuite qu’elle est entrée sur le marché automobile (2003).
BYD a mis en place un modèle d’intégra=on ver=cale (elle produit en interne 75 % - dont les
ba;eries et les puces électroniques – de la chaine de valeur de ses véhicules).
Elle produit 60
% de ses véhicules en électrique et 40 % en hybride.
Les ba;eries représentent aujourd’hui 40
% du coût total de produc=on d’une électrique et l’essen=el de la valeur ajoutée du véhicule.
En 2024, la part de marché de BYD sur la voiture électrique au sein de l’UE est très marginale
et se situe à 1,1 % des ventes totales (16 000 unités vendues).
On comprend pourquoi à ce
jour, le débat public est peu alerte sur ce dossier.
Mais les prévisions pour 2025 tablent sur 5
% de parts de marché et le groupe annonce se donner l’objec=f de 10 % à l’horizon 2030.
Si
un tel scénario se produit, la percée de BYD sur le marché européen serait considérable dans
un temps très court.
A =tre d’exemple, la BYD SUV A;o-3 est vendue sur le marché européen
30 000 euros en entrée de gamme contre 50 000 pour les équivalentes des constructeurs
européens (Volkswagen ou Renault).
De manière plus large, l’ensemble des constructeurs
automobile dont le siège est installé en Chine occupent 10 % des parts de marché électrique
en Europe contre 1 % en 2021 !
Les droits compensateurs européens : une tenta6ve de réponse
L’enquête rendue publique au début de l’été a révélé que les subven=ons de l’Etat chinois
s’élèvent à 240 milliards de dollars US sur une période qui court de 2009 et 2023.
Elles ont été
versées aux firmes dont les sites de produc=on sont installés en Chine.
L’enquête a révélé
également des inves=ssements publics réalisés par l’Etat chinois tout au long de la chaine de
valeur de la filière, entre la RetD, l’extrac=on minière, la produc=on et l’assemblage et, enfin,
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la distribu=on.
Sur ce dernier point en par=culier, l’enquête montre que l’Etat chinois prend
en charge une part significa=ve du financement du transport mari=me entre la Chine et
l’Europe.
Finalement, ces contribu=ons directes ou indirectes appliquées aux constructeurs
installés en Chine augmentent leur chiffre d’affaires annuel de plus de 20 % en moyenne
(s’agissant de BYD, c’est significa=vement plus).
La conclusion centrale des enquêteurs est qu’il existe une forte distorsion de la concurrence
sur le marché interna=onal de l’automobile électrique.
C’est sur ce;e base que les États
membres ont voté un supplément de droits d’entrée sur le territoire en plus des 10 % déjà en
vigueur.
Il s’agit de droits compensateurs sur les importa=ons des véhicules électriques
compris entre 18 et 38 % des prix de vente.
On peut noter que ces mesures ne sont pas les
plus fermes qui existent actuellement dans l’espace commercial mondial.
Les Etats-Unis, par
exemple, pra=quent des droits de douanes sur les voitures chinoises allant de 25 à 100 %, la
Turquie taxe les importa=ons de véhicules de constructeurs chinois à 40 % et l’Inde entre 50
et 100 %.
Il apparait ainsi que la mesure européenne est peut-être sous-dimensionnée par
rapport à d’autres pays.
Des voix se sont élevées dans le débat public depuis l’été dernier allant
dans ce sens en faisant remarquer que le niveau de ces droits compensatoires ne perme;ra
pas de rendre les constructeurs chinois moins compé==fs que les européens.
Par ailleurs, le
disposi=f adopté le 4 octobre par l’UE opte pour une taxa=on graduelle.
Le taux de taxe global
(droits de douanes de 10 % + droit compensateur) est ajusté dès lors que les constructeurs
apportent la preuve qu’ils ont reçu un sou=en public....
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