LA COMPÉTENCE MATÉRIELLE EN MATIÈRE SUCCESSORALE
Publié le 15/03/2023
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LA COMPÉTENCE MATÉRIELLE EN MATIÈRE
SUCCESSORALE
ILUNGA KAKENKE Rado
Assistant à l’Université de Kolwezi et Juge de paix
Pour citer cet article : ILUNGA KAKENKE Rado, (2015), « La compétence matérielle
en matière successorale », in Ilunga Kakenke Rado, La complexité du droit judiciaire
congolais, Editions du Centre de Recherche Universitaire du Kivu, Bukavu, pp.
51-84.
Résumé : En vertu du principe général de droit « la loi spéciale déroge à la loi générale » les
contestations relatives aux successions ne sont pas seulement de la compétence des tribunaux
de paix comme le prévoit l’article 110 de la loi organique portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.
Les tribunaux de grande
instance à titre dérogatoire et ce, en vertu de l’article 817 de la loi n°87-010 du 1er août 1987
portant code de la famille, sont compétents de statuer sur les contestations d’ordre successoral
pour autant que l’actif brut de la succession dépasse la somme de cent mille zaïres compte
tenu de sa valeur actuelle en parité monétaire.
Introduction
La loi d’attribution de compétence, la loi organique1 n° 13/011-B du 11 avril 2013
portant organisation, fonctionnement et de compétences des juridictions de l’ordre
judiciaire, prévoit à son article 110 que les tribunaux de paix connaissent, en premier
ressort, de toutes contestations portant sur le droit de la famille, les successions, les
libéralités et les conflits fonciers collectifs ou individuels régis par la coutume.
Ils
connaissent aussi de toutes les autres contestations susceptibles d’évaluation pour
autant que leur valeur ne dépasse pas deux millions cinq cent mille francs congolais.
Cependant, il convient de signaler que ces matières sont aussi bien prévues par
d’autres textes de loi particuliers, lesquels attribuent la compétence non seulement
aux tribunaux de paix mais aussi aux tribunaux de grande instance.
C’est dans ce
cadre que nous avons voulu examiner ‘’la compétence matérielle en matière de
succession’’.
Certains plaideurs saisissent les tribunaux de paix de n’importe quelles contestations
portant sur les successions quelle que soit leur valeur monétaire.
Les tribunaux de
paix sont-ils les seuls compétents pour connaître les contestations portant sur les
successions ? C’est de l’analyse des différents objets de demandes relatifs à la
succession que découlera la réponse à cette question relative à la compétence
matérielle en matière successorale.
Plusieurs publications sur la succession ont été déjà réalisées.
Il s’agit notamment de
Leleu, (1996), La transmission de la succession en droit comparé ; Ndjike, (2003), Les
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Tout au long de notre propos, l’usage de la loi organique renvoie à cette loi.
2
successions en droit congolais ; Bompaka, (1986), Le problème des successions au Zaïre ; état
de la question et examen du projet de la loi relative au Code de la famille ; Katshung, (2000),
A propos de la réduction de la part successorale de l’enfant adoptif ; Katshung, (2001), La
vocation successorale des héritiers traditionnels dans le Code de la famille : solution ou
provocation.
Les auteurs dégagent pour la plupart les problèmes qui résultent des
successions.
Cependant, ils n’examinent pas en profondeur la question d’attribution
de compétence entre les différentes juridictions civiles de l’ordre judiciaire.
D’où
l’intérêt et la particularité d’examiner cette question relative à la juridiction
compétente en matière des contestations portant sur les successions.
C’est par l’interprétation contextuelle des différentes dispositions du Code de la
famille, que la juridiction compétente pour telle ou telle demande relative à la
succession sera déterminée.
Ainsi, dans cette étude, nous allons examiner les objets de demande relatifs à la
succession (2) afin de déterminer la juridiction compétence (3), ainsi que de la notion
de la succession (1).
1.
La notion de la succession
Pour Terré et Lequette (1988 : 165) succéder signifie remplacer une personne à la tête
de ses biens.
On peut la remplacer à la tête de tous ses biens (succession à titre
universel) ou seulement de certains d’entre eux (succession à titre particulier).
Ainsi
la succession c’est, entendons-nous, le remplacement à titre universel ou particulier
pour cause de mort.
Les biens se transmettent pour cause de mort soit en vertu de la
loi (c’est la succession ab intestat), soit par testament (c’est la succession
testamentaire).
1.1.
La succession ab intestat
La succession ab intestat est le mode de transmission du patrimoine du de cujus qui
s’effectue en vertu de la loi lorsque ce dernier n’a pas laissé le testament conforme là
où il dispose de son patrimoine.
Elle est aussi dite « succession légale » du fait que les
biens du de cujus sont partagés, au profit de ses héritiers, selon l’ordre établi par le
Code de la famille.
Au regard du Code de la famille, les héritiers de la première catégorie reçoivent les
trois quarts de l’hérédité.
Le partage s’opère par égales portions entre eux et par
représentation entre leurs descendants (article 759).
Les héritiers de la deuxième
catégorie reçoivent le solde de l’hérédité si les héritiers de la première catégorie sont
présents et la totalité de l’hérédité s’il n’y en a pas.
Les trois groupes reçoivent
chacun un douzième de l’hérédité (article 760).
Il peut arriver que le de cujus ne laisse
pas d’héritiers de la première et de la deuxième catégorie.
Les oncles et tantes
paternels ou maternels qui constituent les héritiers de la troisième catégorie sont
alors appelés à la succession conformément aux dispositions de l’article 758.
Le
partage s’opère entre eux par égales portions (article 761).
A défaut d’héritiers de la
troisième catégorie, tout autre parent ou allié viendra à la succession (762 du Code de
la famille), il constitue la quatrième catégorie.
A défaut d'héritiers des quatre
catégories, la succession est dévolue à l’Etat (763 du Code de la famille).
3
1.2.
La succession testamentaire
La succession est testamentaire lorsque le défunt a décidé, par testament, du sort de
tout ou partie de ses biens au profit d’une ou plusieurs personnes qu’on appelle
légataires (Katshung, 2008 : 39).
Cependant, le Code de la famille donne les formes et
les limites qu’il faut observer quand le testateur dispose de ses biens.
D’où, toute
autre forme de testament est nulle s’il n’est pas fait sous forme authentique,
olographe ou orale.
Celui-ci est prévu en cas de mort imminente.
Le testament authentique est, au regard de l’alinéa 1er de l’article 767 du Code de la
famille, celui établi par le testateur soit devant le notaire soit devant l'officier de l'état
civil de son domicile ou de sa résidence.
Katshung (2008 : 43) estime que le testament authentique offre certaines supériorités
sur le testament olographe.
Il fait pleine foi de sa propre véracité quant à son contenu
et quant à sa date jusqu’à inscription de faux.
Ce testament a force exécutoire
immédiate et une force probante ; il est donc d’une plus grande sécurité.
Nous pensons que le testament authentique présente ces caractères du fait qu’il est
établi devant un officier instrumentant.
Aussi par le fait de l’alinéa 2 du même
article, l’officier de l’état civil garde dans ses archives un des deux originaux et inscrit
en outre dans un registre spécial des testaments2, la date à laquelle celui-ci a été établi
ainsi que les noms et le domicile ou la résidence du de cujus.
Tandis que le testament olographe est celui qui est écrit en entier (à la main ou à la
machine), daté et signé de la main du testateur.
Katshung (2008 : 44) le qualifie d’un
acte sous seing-prive.
Il n’exige pas de termes sacramentels.
Cependant, au regard du
Code de la famille, le testament olographe n’est pas seulement un acte écrit en entier
par le testateur.
Il peut arriver que la personne ne sache pas écrire ou se trouve dans
l’incapacité physique de le rédiger et de le signer ; dans ce cas, il est dressé (écrit à la
main ou à la machine) par un tiers.
Pour être admis, le testament doit être légalisé par
l’officier de l’état civil du lieu de sa rédaction en présence du testateur.
Enfin, le testament oral est celui qui est fait verbalement par une personne sentant sa
mort imminente et en présence d’au moins deux témoins majeurs (article 771 du
Code de la famille).
Le législateur pose certaines conditions et précise ce qu’un
testateur peut disposer oralement.
Est-ce que le testateur peut-il inclure la clause d’exhérédation dans un testament, qui
vise l’Etat ?
La Cour de cassation française (Civ., 1er Section civile, 3 mars 1965) a eu à considérer
cette clause comme nulle à l’égard de l’Etat.
C’est ainsi qu’elle avait décidé qu’une
clause d’exhérédation, valable dans la mesure où elle concerne des parents du testateur, est
nulle à l’égard de l’Etat, le testateur ne pouvant par une exhérédation pure et simple, et sans
2
Ordonnance n° 88/090 du 7 juillet 1988 réglementant le registre spécial des testaments
(J.O.Z., n°14, 15 juillet 1988, p.
17).
4
désigner de légataire, faire échec aux droits [de souveraineté] de l’Etat (Capitant et al., 2007 :
608).
Après l’esquisse de la notion de la succession, il y a lieu d’examiner quelques objets
de demande y relatifs au....
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