Commentaire : Tarn-et-Garonne conseil d'État 2014
Publié le 16/10/2023
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Commentaire : Tarn-et-Garonne conseil d'État 2014
Dans l'arrêt le « Département Tarn-et-Garonne » rendu le 4 avril 2014 par le Conseil d'État, la
possibilité à tous tiers de contester la validité d’un contrat administratif par un recours de plein
contentieux a été ouvert, mettant ainsi fins à toute possibilité de recours contre les actes détachables
préalables au contrat.
En l'espèce, le département de Tarn-et-Garonne a effectué un appel d'offres le 26 juin 2006
afin de conclure un marché à bons de commande ayant pour objet la location de véhicules de fonction,
pour les services du conseil général.
La commission permanente du conseil général a, par des
délibérations du 20 juin 2006, autorisé la signature du contrat avec une société ; société qui a été
ensuite déclarée attributaire.
Un recours en excès de pouvoir a été formé par un conseiller général du département contre
cette délibération, devant le tribunal administratif de Toulouse qui a rendu son jugement le 20 juillet
2010.
Le tribunal a annulé la délibération attaquée et a invité les parties à saisir le juge du contrat à
défaut de résolution amiable du contrat.
Suite à quoi le Conseil Général du département décide d’interjeter appel de la décision cependant, la
cour administrative d’appel de Bordeaux dans un arrêt le 28 février 2012 rejette la demande
d’annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse.
Le Conseil Général décide alors de
former un pourvoi en cassation qui aura pour conséquence un arrêt du 4 avril 2014 rendu par le conseil
d’État.
Est-ce qu’il est possible pour un conseiller général d’un département d’obtenir l’annulation
d’un marché à bons de commande ayant pour objet la location de véhicules de fonction pour les
services du Conseil Général en attaquant l’irrégularité des délibérations ayant autorisé la signature du
contrat avec une société ? Le présent arrêt renvoie à la question de savoir dans quelle mesure un tiers
non partie au contrat administratif est recevable à attaquer celui-ci et par quelle voie contentieuse ?
Dans cet arrêt, le conseil d’État prévoit que le recours de plein contentieux permettra à tout
tiers de contester la validité d’un contrat administratif.
De plus, il prévoit que ces tiers doivent justifier
d’un intérêt lésé suffisamment direct et certain pour pouvoir effectuer ce recours.
Concernant les actes
détachables du contrat préalables, que sont la légalité du choix du cocontractant, la délibération
autorisant la conclusion du contrat ainsi de le signer, ne pourront être contestée que par un recours de
plein contentieux intenté contre un contrat administratif.
Il va par ailleurs permettre au préfet d’exercer
un recours en excès de pouvoir contre ces actes détachables.
Le juge rappelle son rôle en exposant les
pouvoirs dont il profite à l’occasion du recours présenté, il peut ainsi résoudre, résilier, indemniser ou
inviter les parties à régulariser le contrat.
Enfin, le juge décide de faire une modulation dans le temps des effets de sa décision, estimant
que celle-ci n’est applicable que pour les contrats signés après la présente décision.
Le Conseil d’État
annule l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux en lui reprochant de ne pas avoir
recherché si l’irrégularité constatée avait été susceptible d’exercer une influence sur le sens de la
délibération contestée ou de priver d’une garantie les personnes susceptibles d’être concernées par
l’indication des procédures de recours contentieux.
En effet, l'arrêt Tarn-et-Garonne constitue une véritable évolution jurisprudentielle puisqu’il
ouvre à tous tiers la possibilité de contester la validité d’un contrat administratif.
Jusqu'à cette
décision, un contrat administratif ne pouvait pas faire l’objet d’un recours de plein contentieux de la
part des tiers.
En réalité, bien que la jurisprudence Martin du conseil d’État de 1905 avait ouvert la
voie aux tiers pour effectuer un recours en excès de pouvoirs contre les actes détachables de ce contrat,
ils ne pouvaient obtenir l’annulation du contrat administratif que par ricochet et cette solution n’était
pas forcément systématique à la suite de l’annulation d’un acte détachable.
L’arrêt Tarn-et-Garonne s’inscrit donc dans la continuité de la jurisprudence qui l’a précédée en
confirmant de manière véritable la contestation du contrat par les tiers.
En effet, il s’inscrit dans la
lancée qui a été entamée 7 ans plus tôt avec l’arrêt société Tropic travaux signalisation.
En principe et
jusqu'à cet arrêt de 2007, seules les parties pouvaient saisir le juge du contrat pour lui demander, le cas
échéant, son annulation.
Ce principe connaît en premier lieu une exception majeure avec l’arrêt société
Tropic travaux signalisation puisqu’à cette occasion, le conseil d’État a créé un nouveau recours de
pleine juridiction contre le contrat administratif en permettant aux concurrents s’estimant
irrégulièrement évincés de la conclusion d’un contrat administratif de saisir le juge du contrat.
L’arrêt
Tarn-et-Garonne parachève ainsi cette évolution entamée par l’arrêt Tropic en mettant fin à la
jurisprudence Martin qui perd de l’importance dès lors que les tiers peuvent directement effectuer un
recours de plein contentieux contre le contrat administratif.
Dans le présent arrêt Tarn-et-Garonne, le conseil d’État consacre un nouveau recours
accordant aux tiers la possibilité de contester la validité d’un contrat administratif (I).
Toutefois, cet
arrêt est marqué par une définition de l’office du juge concernant le recours de plein contentieux
exercé par les tiers contre un contrat administratif (II).
I - La consécration d’un nouveau recours de plein contentieux ouvert aux tiers contre les
contrats administratifs
Le conseil d’État va consacrer un nouveau recours de plein juridiction afin que les tiers puissent
contester la validité d’un contrat administratif.
Cette ouverture du nouveau recours marque une
évolution jurisprudentielle majeure dans le sens où elle remet en question une partie du contentieux
contractuel précédant cette décision (A).
Même si de prime abord ce recours semble accessible à tous
tiers, il est tout de même limité et encadré afin de prendre en compte des considérations de stabilité
contractuelle (B).
A- L' ouverture d’une voie de recours permettant de contester la validité d’un contrat
administratif marquant une évolution du contentieux contractuel
Dans cet arrêt Tarn-et-Garonne de 2014, le conseil d’État va consacrer un nouveau recours
permettant aux tiers de contester la validité du contrat.
Tout d’abord, il faut noter que ce nouveau recours ne concerne pas la jurisprudence Cayzeele du
conseil d’État de 1996 puisque le conseil d’État le précise en avançant que le nouveau recours s’exerce
indépendamment « actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses
réglementaires d'un contrat ».
En effet, le recours Cayzeele consiste à la possibilité ouverte de faire un recours pour excès de
pouvoir contre les clauses réglementaires détachables d’un contrat.
Certaines clauses des contrats
administratifs déterminent l’organisation et le fonctionnement du service public et établissent des
droits et obligations à l’égard des administrés ou des usagers du service public, donc pas simplement à
l’égard des parties au contrat.
Puisque ces clauses ont un caractère réglementaire, général et
impersonnel, le conseil d’État a admis qu’un tiers au contrat puisse demander leur annulation par la
voie du recours pour excès de pouvoir.
La jurisprudence « Tarn-et-Garonne » ne remet donc pas en
cause cette jurisprudence Cayzeele.
Cependant, ce recours est innovant dans le sens que : « tout tiers à un contrat administratif
(…) est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la
validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles ».
Le
conseil d’État élargit ici la possibilité pour les tiers d’effectuer un recours contre la validité d’un
contrat administratif, il donne aussi la possibilité à ces tiers d’effectuer un recours contre les clauses
non réglementaires d’un contrat divisible de celui-ci.
Tout d'abord, il précise qu’un recours de plein
contentieux est possible contre les clauses « non réglementaires » puisque la jurisprudence Cayzeele
existe encore et reste applicable.
Le nouveau recours consiste donc en un recours de plein contentieux
devant le juge du contrat effectué par tout tiers pour contester la validité d’un contrat administratif ou
une de ses clauses.
Un élément important consiste au fait que le conseil d’État fait ici référence à « tout tiers »
c’est-à-dire que « tout tiers » est susceptible d’effectuer un recours contre un contrat administratif
auquel il ne serait pas partie.
Cette expression marque en conséquence l’achèvement de l’ouverture qui
avait été entamée par le recours consacré par l’arrêt société Tropic travaux signalisation de 2007.
En
effet, cet arrêt Tropic avait donné la possibilité à un certain type de tiers, notamment, les concurrents
évincés, de pouvoir former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction qui contestera la
validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses.
C’est donc dans cette suite que le présent arrêt
s’inscrit, cependant il va encore plus loin puisqu’il ne fait plus référence aux « concurrents lésés »
mais à « tout tiers ».
De plus, l’arrêt Tarn-et-Garonne va encore plus loin que l’élargissement fait par le Conseil d'État dans
son avis Société Gouelle de 2012.
Dans cet avis, le Conseil d’État avait donné une définition large de
la notion de « candidat évincé » susceptible de....
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