Sida: va t on gagner la bataille ?
Publié le 19/01/2023
Extrait du document
«
Sida va t on gagner la bataille
Le nombre de nouvelles contaminations ne cesse de diminuer.
Mais pour que la baisse se poursuive,
il faut encore mieux prendre en compte les spécificités de chaque territoire face à la pandémie.
Avec près de 38 millions de personnes porteuses du VIH – ou « séropositives » -dans le monde et
1,7 million de nouvelles contaminations en 2018, le sida est une pandémie mondiale, c’est-à-dire
une maladie qui touche une population importante à l’échelle internationale.
De grands progrès sont
pourtant régulièrement accomplis.
Des tests rapides facilitent le dépistage, les traitements permettent aux femmes enceintes de ne pas
transmettre la maladie à leurs enfants, certains séropositifs devenus « indétectables » grâce à leur
traitement ne transmettent plus le VIH...
sans oublier la PreP, « prophylaxie pré-exposition », un
traitement préventif qui protège de tout risque d’infection même en cas de rapport sexuel avec une
personne séropositive.
Aujourd’hui, à l’échelle mondiale, 79 % des séropositifs connaissent leur statut sérologique, 62 %
sont sous traitement et 53 % n’ont plus de charge virale.
Des résultats encourageants, mais encore
loin des objectifs de l’ONUSida, qui consistaient à atteindre 90 % pour ces trois paramètres...en
2020.
La pandémie du local au global :
Derrière ces données mondiales se cachent de grandes différences spatiales.
Selon l’ONUSida, le
sud et l’est du continent africain constituent la zone la plus touchée au monde avec 20,6 millions de
personnes séropositives.
En 2018, les nouvelles infections concernent majoritairement des
personnes hétérosexuelles.
Parmi les situations les plus préoccupantes, les jeunes femmes de 15 à
24 ans, qui représentent 25 % des nouveaux cas.
Le continent africain a été très fortement touché
dès le début de la pandémie dans les années 1980, surtout l’Afrique centrale et de l’Est.
Pour le sud
du continent, la faible détection de la maladie à ses débuts dans les années 1980 a entraîné un retard
dans la mise en place de systèmes de lutte qui a été fatal lorsque la diffusion du VIH s’est accélérée
dans les années 1990.
Depuis, le nombre de nouveaux cas annuels ne cesse de diminuer.
Cette situation générale est à peu près celle de chaque pays de la zone.
Prenons le Malawi : avec 1
million de séropositifs, soit 9 % de la population, il s’agit de l’un des 10 pays les plus touchés au
monde.
Pourtant, le nombre de contaminations a baissé de 30 % entre 2000 et 2018, 90 % des
séropositifs connaissent désormais leur statut sérologique et 78 % sont sous traitement.
Les progrès
accomplis,tout comme la marge de progression restante, mettent en évidence quelques-unes des
conditions nécessaires pour lutter efficacement contre l’épidémie.
Il faut d’abord comprendre ses
logiques spatiales ; au Malawi et dans les pays voisins, la prévalence du sida chez les jeunes adultes
est surtout forte en ville, mais aussi là où les activités économiques et les mobilités sont
nombreuses, comme le long des grands axes de communication, dans les zones frontalières, etc.
Les
migrations saisonnières de travail ou les emplois à forte mobilité (les routiers par exemple)
semblent entraîner un fort commerce sexuel qui serait un facteur de transmission non négligeable du
VIH.
Il faut aussi des décisions politiques.
Soutenu par les institutions internationales, le pays développe
l’offre de soins afin qu’elle soit accessible, c’est-à-dire proche des habitants et économiquement
abordable.
Depuis 2016, un dispositif permet par exemple de détecter plus massivement les porteurs
du VIH et de garantir un traitement immédiat.
Spatialité :Ensemble des actions spatiales réalisées par les opérateurs d’une société.
Inversement, l’absence de reconnaissance légale de certains groupes dans la société, comme les
LGBT ou les travailleurs et travailleuses du sexe, freine la lutte.
« Au Malawi, [...] il n’y a pas de loi
pour protéger les travailleurs du sexe.
La plupart des travailleurs du sexe masculins sont des gays,
ou des hommes ayant des relations avec des hommes, ils vivent donc dans la peur de l’arrestation
car l’homosexualité est illégale », témoigne Aniz Mitha, à la tête d’une association de soutien.
Or
près de 20 % des nouvelles infections en 2018 dans la région « sud et est de l’Afrique » concerne
soit la sexualité entre hommes, soit les travailleur.se.s du sexe et leurs clients.
Pour un même territoire et un même dispositif sanitaire, on trouve ainsi des personnes qui peuvent
facilement accéder au dépistage et au traitement, et d’autres qui en sont exclues.
Les différentes
façons de percevoir, de parcourir et d’habiter un espace – ce que les géographes nomment les
spatialités – dépendent du statut social, des revenus, du sexe, etc.
de chacun.e.
Ces spatialités varient donc en fonction des individus, mais aussi en fonction des normes
collectives, en évolution constante.
Au Malawi, où 60 % des habitants assistent à un culte au moins
une fois par semaine, la sociologue Jenny Trinitapoli a par exemple constaté que les chefs religieux
parlent de plus en plus du sida.
Dans la plupart des religions pratiquées dans le pays, ils tolèrent
beaucoup plus le divorce s’il permet de lutter contre la maladie.
Les conditions sont souvent
strictes, et permettent de défendre des valeurs comme la fidélité : il faut avoir la preuve que la ou le
conjoint.e a été infidèle, puisque cela fait peser le risque d’une contamination ; mais il faut le
demander avant que l’infection soit avérée, car sinon on lui doit assistance.
En France, resserrer les maille du filet
En France, 170 000 personnes vivent avec le VIH.
Si cela montre l’efficacité du système de santé,
on compte encore environ 6 000 nouvelles contaminations chaque année.
Alors, comment resserrer
les mailles du filet pour atteindre des séropositifs qui s’ignorent ou des personnes qui ont des
conduites à risque ? Depuis la fin des années 2000, la politique de prévention repose sur
l’identification de deux groupes à risque : les homosexuels masculins et les immigré.e.s d’Afrique
subsaharienne.
Si les gays sont un groupe-cible, c’est parce qu’un « relâchement » de la vigilance préventive est
constaté depuis le début des années 2000 : 20 à 40 % d’entre eux auraient des pratiques à risque,
parce qu’ils multiplient les partenaires ou pratiquent le bareback (sexe sans préservatif ) dans des
backrooms, sur des plages gays ou encore dans des appartements privés grâce aux applis de
rencontre.
Certes, les inquiétudes sur la moindre utilisation du préservatif peuvent être nuancées par
l’utilisation croissante de la PreP ou l’augmentation du nombre de séropositifs indétectables qui ne
transmettent pas le VIH.
Cependant, la prévention reste nécessaire.
Et puisqu’il est compliqué de
faire venir certaines personnes vers le système de santé, l’idée est au contraire de développer la
prévention en allant au-devant de ces personnes.
C’est le principe du « dépistage communautaire »,
qui consiste à mobiliser les réseaux associatifs sur des lieux que l’on suppose fréquentés par des
publics à risque.
L’association Aides s’en est fait une spécialité avec par exemple les « Summer
Tours » durant lesquels ses membres arpentent les plages de France et notamment celles connues
pour être des lieux de rencontre sexuelle en plein air.
Si tu ne viens pas à la capote et au test rapide,
ce sont eux qui viendront à toi !
Quant aux immigré.e.s, elles et ils recourent moins et plus tardivement que les autres au dépistage et
aux soins.
Autre particularité, les trois quarts des migrants d’Afrique subsaharienne sont des
femmes.
Dans une analyse des différences entre femmes et hommes face au sida en France, la
sociologue Maud Gelly a montré non seulement que les femmes meurent plus jeunes, mais aussi
que les migrantes sont moins bien soignées que les autres femmes.
C’est encore une question de spatialités :
ces femmes se trouvent souvent isolées ces femmes se trouvent souvent isoléeset assignées à un rôle
social spécifique, celui du « travail reproductif ».
L’expression désigne les tâches domestiques
comme l’entretien de la maison, mais il renvoie surtout au fait d’avoir et d’élever des enfants.
Si un couple se brise, par exemple à cause de la séropositivité de la compagne, celle-ci ne peut plus
jouer son rôle de « mère de famille » et s’éloigne du système de soins : « l’absence de possibilité
reproductrice détermine chez les femmes un arrêt ou une diminution des consultations médicales :
la santé des femmes [leur] importe plus lorsqu’elle est nécessaire au travail reproductif », écrit
Maud Gelly.
Il devient alors difficile de les tester et de les suivre.
Dis-moi qui tu es et où tu vis, je te dirai si tu as accès à des soins de qualité : la formule a beau être
outrancière, elle n’en garde pas moins une part de vérité.
Pour le sida comme pour d’autres
maladies, notre santé individuelle et collective passe donc par la façon dont nous traitons nos
voisins, quels qu’ils soient.
(Covid La diffusion de cette pandémie –un sujet qui mêle questions de mondialisation, de vie de
quartier, d’organisation spatiale des services de santé– a d’ores et déjà fait l’objet d’éclairages de la
part des géographes.
Le site géoconfluences.ens-lyon.fr, parmi ses nombreuses ressources, propose
un dossier intitulé «La pandémie de Covid-19, regards croisés de géographes».)
Les immigrés face aux fontieres
Mathieu Trachman, Maud Gelly et Gabriel Girard, «Défaire et refaire un groupe à risque.
Objectivation et prévention du sida chez les homosexuels masculins à l’ère des antirétroviraux»,
Population, 2018/4.
Maud Gelly, «Des inégalités en tous genres face au décès par sida et de leur ignorance par le
système de santé», Agone, 2016/1.
Jeanne-Marie Amat-Roze, «L’infection à VIH/sida en Afrique subsaharienne, propos
géographiques», Hérodote, 2003, n° 111.
Caroline A.
Bulstra et alii, «Mapping and characterising areas with high levels of HIV transmission
in sub-Saharan Africa: A geospatial analysis of national survey data », Plos Medicine, 2020.
Jenny Trinitapoli, «SIDA et vie religieuse au Malawi: repenser l’infl uence de la dynamique
démographique sur les comportements culturels», Population, 2015/2.
ONUSida, Global Aids Update, 2019.
Les fiches pays «France» et «Malawi» sur le site unaids.org.
Murs et frontières
Depuis le XIXe siècle, les frontières se sont multipliées dans le monde, et avec elles les murs et
autres barbelés qui empêchent de les franchir.
Mais la fermeture d’une frontière ne se limite pas à la
barrière construite le long de la ligne qui sépare administrativement deux États.
Build that wall! » Le slogan de Donald Trump est devenu le mantra de son mandat.
Pour lui, une
seule chose à faire contre le trafic de drogue et les migrations illégales venues du sud du continent :
fermer les 3 000 kilomètres de frontière qui séparent son pays du Mexique.
Début 2020, plus de 900
kilomètres de son nouveau mur sécurisé étaient déjà construits ou sur le point de l’être, prolongeant
le millier de kilomètres légué par ses prédécesseurs à la Maison Blanche.
À cela, il faut ajouter un
peu plus de 400 kilomètres de tronçons prévus mais pas encore financés.
Les trois quarts de la
frontière pourraient ainsi être prochainement clôturés.
Le mur vient donc progressivement
compléter une longue liste d’obstacles pour celles et ceux qui tentent de passer la frontière :
contrôles de police, collectifs de citoyens mobilisés contre les clandestins, zones désertiques sans
eau ni abri, ou encore vallée du Rio Grande avec ses profonds canyons difficilement franchissables.
Murs partout, passages nulle part
La frontière américano-mexicaine est l’une des plus longues au monde à connaître un tel projet de
clôture.
L’opération est coûteuse, à la fois en dollars – le mur version Trump vaut 10 millions
d’euros du kilomètre – et en vies : selon le recensement de la US Border Patrol, 300 décès ont été
enregistrés en 2019 ; au total, plus de 7 500 morts ont été recensés entre octobre 1997 et septembre
2018.
Mais l’exemple américain, certes symbolique, est loin d’être une exception : on trouve des
barrières du même genre entre Israël et la Cisjordanie, la Hongrie et ses voisins, l’Inde et le
Pakistan...
Et en France, rien ? Certes, aucun mur ne nous sépare de nos voisins, et nos frontières ont même eu
tendance à s’ouvrir au gré de la construction européenne, notamment avec la formation de l’espace
Schengen dans lequel les citoyens peuvent circuler librement depuis 1995.
Mais il y a tout de même
des lieux où la frontière est bien visible, comme à Calais.
Au milieu des plages de sable de la Côte
d’Opale, la ville fortifiée est dans une position stratégique, sur une route maritime qui relie
l’Atlantique à la mer du Nord en passant par la Manche.
C’est aussi le point du continent le plus
proche du Royaume-Uni, à une trentaine de kilomètres à peine.
Cette proximité explique la
présence du tunnel sous la Manche, mais surtout celle d’un port où les poids lourds se succèdent
pour charger et décharger des marchandises sur des bateaux.
À ce point de passage, les autorités
laissent facilement passer les produits, mais pas les exilé.e.s en situation illégale qui espèrent
traverser la Manche pour rejoindre des proches ou trouver du travail.
Ils et elles sont ainsi
nombreux.ses à se rendre à Calais depuis les années 1990 et la guerre dans les Balkans, et plus
encore depuis 2015-2016 avec les conflits et crises touchant des pays comme la Syrie ou la Libye.
Cette frontière est particulière.
C’est d’abord une frontière nationale « délocalisée », où la douane
britannique peut contrôler les voyageurs avant même qu’ils n’atteignent la Grande-Bretagne.
Elle
est aussi la limite de l’espace Schengen et, depuis le 1er janvier 2020, la frontière extérieure de
l’Union européenne.
Pour le Royaume-Uni, il s’agit donc de poursuivre ses relations commerciales
dans les meilleures conditions – c’est-à-dire de laisser passer les camions – sans avoir à gérer sur
son territoire une immigration non souhaitée.
Pour cela, les dispositifs de sécurité sont
omniprésents.
Murs et barrières clôturent le périmètre d’accès au tunnel (vous les avez forcément
aperçus depuis l’Eurostar si vous avez eu l’occasion de le prendre) et encerclent le port.
Certaines
routes d’accès sont également longées de murs, pour éviter que les migrant.e.s ne tentent d’entrer
dans un camion avant la traversée.
Viennent s’ajouter les contrôles policiers avec chiens renifleurs,
mais aussi les capteurs thermiques ou infrarouges qui détectent toute présence humaine.
Très efficaces, ces contraintes ont conduit certaines personnes à tenter la traversée de la Manche en
bateau, encore plus risquée à cause de la mer souvent agitée et des cargos qui traversent le Channel.
D’autres modes de surveillance ont donc vu le jour sur les plages de Calais et de ses alentours : la
gendarmerie patrouille, aidée par des motos et des drones, et des zodiacs en mer.
En 2019, la
préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord a recensé 261 embarcations interceptées,
transportant au total 2 358 personnes, un chiffre en forte augmentation par rapport aux années
précédentes.
Contre l’appel d’air, la jungle
Elles ont beau décourager, les frontières sécurisées restent des constructions à l’efficacité
discutable, car elles n’ont jamais empêché les exilé.e.s de venir.
À Calais et aux alentours, cela s’est
traduit par la création de camps, campements et centres d’accueil où les conditions de vie sont
précaires.
En 2015-2016, période de fortes arrivées, les autorités organisent le regroupement des
migrant.e.s pour éviter la dispersion des campements et des squats : c’est la création du « camp de
la Lande », bientôt appelé « jungle », où se retrouvent à l’été 2016 80 % des quelque 10 000
personnes présentes dans la zone.
Particularité, il est géré par les ONG et les membres du camp et
s’organise peu à peu comme une petite ville à l’écart du centre de Calais.
On y trouve services de
base, restaurants, salons de coiffure ou lieux de culte.
Aux abords de la jungle, l’État propose de son
côté des hébergements en nombre insuffisant, afin d’éviter un « appel d’air ».
Après l’ouverture du centre Jules-Ferry d’une capacité de 1 000 places en janvier 2015, un centre
d’accueil provisoire de 1 500 place apparaît à la fi n de la même année, relié à des centres d’accueil
et d’orientation partout en France pour reloger les arrivant.e.s loin....
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