Bien comprendre, bien voir, bien agir
Publié le 09/09/2024
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«
5 décembre 2013
Jérôme JACQUET, 14ème
RL Perfection Platon n° 822
A la Gloire du Grand Architecte de l’Univers
Sous la juridiction du Suprême Conseil des souverains Grands Inspecteurs
Généraux du 33ème et dernier degré du Rite Écossais Ancien et Accepté
pour la France
Ordo ab Chao
Deus meum que Jus
LA MAIEUTIQUE1 et le MAÇON
TFPM et vous tous mes Frères Maîtres Secrets,
L'amour, la maïeutique2 et la transmission ont un point commun : il faut être au moins deux
pour bien le pratiquer.
En effet, qu'il s'agisse d’éros de philia ou d'agapé, de la transmission d'un savoir ou d'une
connaissance, ils nécessitent bien qu'il y ait d'une part, un agent émetteur et d'autre part un
agent receveur (de l'information communiquée) qu'ils soient corps, âme ou esprit.
Il n'y a pas
d'obligation à ce qui est donné soit médiatement ou immédiatement reçu mais le temps, la
distance, la multiplicité des interlocuteurs ou d'intervenants, empreints malgré eux de
subjectivité, sont autant de scories et d'altérations de la pensée originelle.
La communication (et incidemment la transmission) résident donc dans le fait qu’une
information soit transmise d’un point à un autre3.
En reprenant le schéma de la communication de Claude Elwood SHANNON (1906 ; 2001) 4
pour qu’on puisse parler de communication, il faut qu’un individu ait l’intention de mettre
quelque chose en commun (commun-icare).
Tel doit être le cas, au minimum, de l’agent
1
μαιευτική
2
Méthode par laquelle Socrate accouchait les esprits des vérités inconscientes qu’ils contiennent
3
G.
A MILLER — Langage et communication.
PUF, Paris, 1956, CEPL
En loge, la communication s’inscrit dans un schéma qui n’a rien de linéaire, comme peut l’être le modèle
télégraphique de Claude Shannon, avec sa chaîne Émetteur-Message-Récepteur ; ni même simplement interactif ou
circulaire, comme celui établi par les théoriciens de l’École de Palo Alto
4
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émetteur ; le mot commun-iquer, en effet, signifie plus donner plutôt que recevoir ; il est
synonyme de livrer, de faire connaître ensemble (préfixe cum)».
Ainsi, peut être mû par une volonté de vérité et empreint du métier de sage-femme de sa mère,
Socrate (- 469 - 399) philosophe antique mais néanmoins révolutionnaire, serait un des
précurseurs de la communication et de sa psychologie.
Afin de conserver l'épure d'une information, d'une pensée qui se doit d'être le moins altérée
possible (aporétique), Socrate emprunta à sa mère l'art de l'accouchement pour l'appliquer au
sein de son école, aux idées.
C'est cet art (tekhné en grec ancien) de la « petite mère »,
accoucheuse de surcroît (i.e.
Maïa la déesse), qui a pu donner l'étymologie de ce mot
maïeutique.
Une fois appliquée aux idées, la maïeutique désigne une méthode permettant à
l'agent receveur d'interroger l'agent émetteur pour faire re-ssurgir5 en lui une nouvelle
communication sans y avoir ajouté d'opinion ou de jugement personnel (du receveur).
Elle
demeure toutefois interpersonnelle (absence de triangulation).
Si on retrouve dans le Théétète de Platon 6 cette méthode maïeutique décrite comme la genèse
d'une méthode aporétique et initiatique du savoir, c'est surtout dans la description du procès de
Socrate que l’on retrouve une parfaite illustration de cette méthode que je vais vous relater.
Socrate, accusé de corruption de la jeunesse par Mélétos 7, lui demande s'il sait qui rend la
jeunesse meilleure.
Mélétos, répond : « les lois » (Apologie de Socrate Platon – 24).
Socrate,
poursuit alors son argument : « oui, bon, d’accord, mais qui connaît bien les lois ? ».
Mélétos
répond
:
« les
juges
d'Athènes
ici
rassemblés ».
Socrate, dans une joute verbale d'idées, pousse l'argument jusqu'à son terme et lui demande :
- et le public ? Et les sénateurs ? Et les simples citoyens ?
- Tous, confirme Mélétos, rendent les jeunes gens meilleurs (25a).
Vous en conclurez par vous même (par enthymème8) mes Frères sans que j'exprime à mon
tour le moindre jugement, que Socrate seul les ait eu rendus pires ; mais évidemment, tel
5
6
Réminiscence : provient d anamnêsis donc ana signifiant la remontée et de mnémè qui est le souvenir.
Le Théétète est le seul des dialogues classé à partir de la maturité de l'auteur à être un dialogue aporétique.
Autrement dit, le Théétète ressemble plus, de ce point de vue, aux dialogues que l'on regroupe sous le nom de socratiques et
que l'on considère comme des dialogues de jeunesse
7
Il entretient certes des relations corporelles avec les jeunes gens les plus doués tels Charmide, Agathon, peut-être
Platon lui-même mais le chef d'accusation concernait plutôt la corruption de l'âme que celle du corps
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n'était pas le cas.
Il suffit à Socrate de démontrer que les bons éducateurs constituent
l'exception et il s'exonéra de cette accusation9.
La maïeutique socratique demeure néanmoins sensiblement empreinte d'ironie, de joutes
dialectiques et rhétoriques, ceci étant lié à son caractère interpersonnel confrontant deux Egos.
Il semble donc difficile de faire un lien entre les premiers rituels maçonniques rédigés au
XVIIIème siècle et les livres de saillies verbales (constitués de joutes verbales et rhétorique)
dont raffolait une certaine noblesse de l'époque.
La maïeutique maçonnique n'a emprunté à Socrate que le caractère aporétique (le rituel étant
le médiateur) et sa démarche initiatique.
Elle ne laisse pas la place à ce faux jugement
heuristique10 (terme de didactique qui signifie l'art d'inventer, de faire des découvertes) mais
est le révélateur de l'Esprit qui est en nous et de cette part de connaissance innée11.
La
maïeutique en tant que révélateur de pensées innées12 détenues (bien que parfois occultées)
par la personne interrogée, présuppose médiatement que l'initié soit la manifestation du
Principe Divin, Vérité ultime.
La maïeutique serait donc un fait générateur et révélateur de la
réminiscence (remontée ; ana des souvenirs ; mnémè) cachée dans ce que Jung appellera
ultérieurement « l’inconscient collectif ».
La maïeutique permet la re-stauration de l’idée
contemplée puis, d’un savoir maîtrisé et offrirait par la dialectique, la preuve de l’immortalité
de l’âme.
En effet, la maïeutique maçonnique a su rajouter par la triangulation et le ternaire, l’Unité à la
dualité (contrairement au caractère interpersonnel de la maïeutique socratique).
Elle ne
cherche pas à établir une communication machiavélique des âmes comme pourrait le faire un
manipulateur mental.
Elle présuppose qu'en sa qualité d'enfant de Dieu, Grand Architecte de
l'Univers, à l'instar de ce que Plotin dont nous parlait notre Frère Georges ROZAN il y a peu,
8
d'après le latin de emptimeme (XVe s.), est un emprunt savant au latin classique enthymema, repris au grec
enthumêma « ce qu'on a dans l'esprit », devenu terme de rhétorique et désignant un syllogisme fondé sur le probable ; c'est
un dérivé de enthumeisthai « réfléchir, déduire », composé de en « dans » et thumos « esprit, cœur ».
Le mot a conservé le
sens de son étymon et désigne, en logique, une forme abrégée du syllogisme dans laquelle on sous-entend l'une des deux
prémisses ou la conclusion (Cf.
« je pense, donc je suis »).
9
posteriori
Même s'il fut condamné à mort au terme de son procès pour d'autres chefs – Mélétos subira le même sort a
10
L'interprétation des réponses du dieu, qui s'exprime de diverses manières, demande parfois un apprentissage et
l'oracle nécessite, en général, une interprétation heuristique, il s'agit souvent d'une parole énigmatique, sibylline (Sibylle
était une prêtresse d'Apollon et un oracle, dans la mythologie grecque
11
Innéisme philosophique : La version la plus ancienne de cette doctrine philosophique est attribuée à Platon.
Selon
cet innéisme platonicien toute vérité est connue dès la naissance, l'âme ayant visité le « ciel des idées »avant de s'incarner
dans un corps.
De notre vivant, on se doit de pratiquer la réminiscence pour se souvenir à nouveau des vérités que nous
avons observées.
Descartes défend de même une position similaire, par sa doctrine des notions communes.
Refusée
par Locke, l'existence des idées innées a été réaffirmée par Leibniz dans les Nouveaux Essais sur l'entendement humain.
L'innéisme se distingue toutefois du nativisme stricto sensu : une faculté mentale innée peut n'apparaitre que bien
après la naissance alors même qu'elle est spécifiée dès la naissance
12
Avoir raison, il semble que l’Ego ait fait de cette notion son télos alors que la maîeutique pourrait être le
révélateur (l’éthos) de ce qui est inné en lui.
Chacun contient en soi son propre « télos », c'est-à-dire la tendance innée à
réaliser ce qu'il est, à tendre vers l'idéal de sagesse, de bienveillance et de félicité qui associe les efforts du corps et de l’âme
– P CARRE.
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appelle la métempsycose13, il existe un moyen de faire auto révéler à l'initié maçon la part de
Vérité qu'il détient intrinsèquement (en sa qualité du microcosme et d'image fractale de
l'Ineffable).
Autrement dit, puisque notre âme d'initié a accouché de l'Esprit, source de Vérité, la
maïeutique maçonnique va être l'élément alchimique révélateur de cette conscience divine
intérieure.
La voie initiatique et l’expérience pourraient alors ne plus constituer des acquis
mais être des révélateurs....
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