Lecture lineaire Lecture linéaire N°1 Hélène Dorion Mes Forêts « Une chute de galets »
Publié le 20/04/2025
Extrait du document
«
Lecture linéaire N°1
Hélène Dorion
Mes Forêts
« Une chute de galets »
Mes forêts sont des bêtes qui attendent la nuit
pour lécher le sang de leurs rêves
gratter la terre
gratter l’écorce
boire l'offrande et se glisser
dans un lit rempli de lucioles
mes forêts sont une planète silencieuse
une éclipse qui fléchit
le bois de barques à la dérive
alors qu'on croirait tout immobile
elles sont un dessin de nature morte
ignorant les écrans
sur lesquels on les regarde
sans jamais les voir
mes forêts
sont chemin de chair et marées de l'esprit
un verbe qui se conjugue lentement
loin de FacebookInstagramTwitter
mes forêts sont des rivages
accordés à mes pas
la demeure
ou respire ma vie
Introduction :
H.
Dorion est une poète contemporaine québécoise d’abord étudiante en
philosophie, puis enseignante puis critique et éditrice et, depuis une
quarantaine d’années, et romancière reconnue et récompensée, qui
préfère dire qu’elle est « écrivaine » et écrit des « livres » plus que des
romans ou des recueils.
Elle lie les éléments (eau, vent, terre) à
l’expression de son rapport au monde sensoriel et sensible.
Elle compte
aussi sur les effets d’écho & les partages avec ses lecteurs.
Pourtant, si
elle ne cache rien, elle collabore avec des artistes, communique dans les
médias, on ne sait que peu de chose de son intimité.
En milieu de recueil, après la longue, première section fragmentée («
l’écorce incertaine »), après la brève section « Une chute de galets », elle
se lance, avec « l’onde du chaos » dans une entreprise plus personnelle,
avec une première personne plus franche et une esthétique de la fêlure
assumée.
Situé au cœur de Mes forêts entre les sections « une chute de galets et
« l'onde du chaos », ce poème est le 3e du recueil construit sur l'anaphore
« mes forêts sont… » et composé de quintil et de tercets.
Hélène Dorion
tente d'y exprimer ce que représente pour elle ses forêts.
Elle les
caractérise ainsi à travers différents attributs qui constituent autant de
métaphores.
Dans quelle mesure ces métaphores tissent elles une définition plurielle et
personnelle des forêts évoquées ?
Les mouvements :
1.
2.
3.
4.
5.
Un espace dangereux : v.
1 à 5
Un univers silencieux : v.
6 à 9
Une émotion esthétique : v 10 à 13
Un chemin intérieur : v 13 à 16
Un point d’ancrage : v.
17 à 19
I / : Un espace dangereux : v.
1 à 5
« Lécher le sang
», « gratter la
terre », « gratter
l’écorce »
« Le sang de leurs
rêves »
Le poème s'ouvre sur une
première occurrence « mes
forêts » laquelle sera reprise 3
fois.
La forêt apparaît comme une
quête sans fin.
Métaphore à connotation Le quintil commence sur une
négative
métaphore qui renvoie aux
animaux nocturnes des bois
Le présent de l’indicatif
Une atmosphère inquiétante
d’habitude
s’installe par des bêtes aux
aguets, au comportement sauvage
allant de la passivité à l’action
Verbes d’action et
comme l’indique la multiplicité des
sonores
verbes.
Décor de la nuit.
Sang= aspect sauvage.
Verbes sonores
Le complément du nom
Les forêts prennent vie peu à peu,
Le complément d’objet
et un autre univers naît.
« Boire l’offrande
Le complément
« Mes Forets »
« Mes forêts sont
des bêtes qui
attendent la nuit
».
Nuire rêve lits
lucioles
Groupe nominal au
pluriel précédé d’un
déterminant possessif
de la 1ère personne du
singulier
Mais derrière des actions en
», « se glisser
dans un lit rempli
de lucioles ».
Bilan du
mouvement
circonstanciel
CL des sens
apparence instinctives pour une
bête, se cache une poésie
empreinte de religiosité.
L’émerveillement se traduit
également par les sens qui sont
mis en éveil des sens : l’ouïe, le
goût, la vue.
Offrande place la forêt dans un
univers mythique mais dangereux
car = sacrifice = mort
La foret apparaît comme un invers inquietant sauvag e
multiple mais vivant, sensible au point d’en devenir mythique
(offrande).
Dorion veutr mintrer tius les facettes de la forêt
II/ Un univers silencieux : v.
6 à 9
« Mes forêts sont
une planète
silencieuse ».
« Planète »
« Éclipse »
« Fléchit »,
« Le bois des
barques à la dérive
».
Vers isolé
Blanc typographique
La strophe suivante se présente
de façon déstructurée, dans la
mesure où le premier vers
apparaît nettement détaché
Métaphore
Les espaces qui isolent ce vers
restituent le silence qui entoure
la planète.
Métaphore d’ordre
astronomique
Cet univers semble situé dans un
monde incertain qui correspond à
la disparition passagère d’un
astre.
Il n’y a donc nul repère auquel se
raccrocher puisque même
l’éclipse disparait comme le
souligne la disposition des trois
vers de longueur croissante, qui
restitue visuellement la dérive de
la barque.
On a aucun repère
donc il est facile de se perdre >
inquiétude
La pénombre y règne, comme si
la masse des arbres occultait
toute source de lumière.
Silencieuse,
éclipse, qui fléchit,
Assonance en « i »
Antithèse entre le
Le paysage est ici présenté à la
fois comme
dérive, immobile
“alors qu’on
croirait tout
immobile”
mobile et l’immobile
Proposition subordonnée
de concession
Verbe de doute
mobile et « immobile ».
Dans
ce monde silencieux et
obscurci, les perceptions sont
incertaines et exigent une
grande acuité des sens.
Image à notre état
(pétrification).
Vigilance accrue
des sens pour retrouver au plus
vote le chemin
La métaphore de la planète
accentue l’impression d’hésitation
de la perception du réel.
Bilan du
mouvement
Les animaux de la nuit sont bien
dans leur élément.
La strophe insiste sur la perception du silence des jeux
d’ombres d’une pseudo immobilité qui pourrait nous
inquiéter et qui définit un monde de vie dans lequel nous
serions perçus.
IIII / : Une émotion esthétique : v 10 à 13
« Elles sont un
dessin de nature
morte »
Métaphore de la peinture
CL de l’art
Critique de notre
incapacité à
observer la
nature car on la
voit.
« Ignorant les
écrans”
CL du regard : Ecrans,
regarde, voir
regarder= action biaisée a
travers qq ch
Par une troisième métaphore, ce
mouvement suivant se rapporte à
l’activité humaine : Hélène
Dorion joue ici sur l’expression «
nature morte » qui désigne une
peinture.
La critique pointe : la
nature semble ici morte parce
que l’Homme l’observe....
»
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