Fiche école et résistance
Publié le 12/02/2024
Extrait du document
«
CONCOURS NATIONAL DE LA RESISTANCE ET DE LA DEPORTATION
Année scolaire 2022-2023
L’école et la Résistance.
Des jours sombres au lendemain
de la Libération (1940-1945)
Introduction et rappels
La révolution scolaire des années 1880 avec les lois Ferry instaurant une école « gratuite, laïque et obligatoire
» a profondément changé la société française en supprimant l’illettrisme, en dotant tous les élèves d’un savoir
élémentaire et en favorisant une plus grande mobilité sociale.
En dépit de ces avancées, de nombreux conservatismes
se maintiennent.
Dans une société encore profondément rurale, le calendrier scolaire dépend toujours des travaux
des champs et de la moisson, ce qui explique une rentrée tardive, début octobre.
L’école n’est obligatoire que jusqu’à
13 ans (14 ans à partir de 1936) et la majorité des élèves la quitte donc très jeune pour entrer en apprentissage et
trouver un travail qui permette de gagner son indépendance par rapport à sa famille ou bien de lui apporter un salaire
supplémentaire.
Si toutes les communes sont dotées d’écoles primaires, les établissements du secondaire (collèges et
lycées) restent beaucoup plus rares, limités dans la plupart des départements aux préfectures.
Cela oblige une majorité
de collégiens et de lycéens à fréquenter les internats où les règlements et la discipline stricte se révèlent de plus en
plus inadaptés à l’évolution des mœurs comme le dénonce le film de Jean Vigo Zéro de conduite, réalisé en 1933 mais
interdit jusqu’en 1946.
L’École reste non mixte, à tous les niveaux.
Le concours de recrutement pour l’enseignement
secondaire, l’agrégation, n’est pas le même pour les hommes et les femmes.
Élément incontournable du « modèle républicain » et vecteur d’enracinement de ses valeurs depuis la fin du
XIXe siècle, l’institution scolaire subit de plein fouet les événements tragiques de l’année 1940.
L’École doit s’adapter
aux conséquences de la guerre et de l’Occupation tandis que le régime de Vichy souhaite la transformer profondément
dans le cadre de sa politique dite de Révolution nationale.
Une école de garçons de la région parisienne en 1943.
Mairie et école de garçons de Sainte-Marguerite-sur-Duclair
Parce qu’il reste payant et particulièrement élitiste (du fait notamment de l’enseignement du latin),
l’enseignement secondaire n’est accessible qu’à une minorité issue des classes les plus aisées.
Les bons élèves des
milieux modestes qui souhaitent poursuivre après le certificat d’études entrent dans l’enseignement primaire
supérieur ou technique.
Les meilleurs d’entre eux deviendront instituteurs, employés de la fonction publique ou seront
ingénieurs diplômés d’une école technique, comme par exemple les Arts et Métiers.
Mais l’université leur reste
inaccessible puisque seul le baccalauréat permet d’y entrer.
Ils ne pourront envisager les carrières qui nécessitent un
diplôme universitaire, notamment celles de magistrat, médecin, professeur, haut fonctionnaire, cadre en entreprise.
Seuls les enfants de la bourgeoisie ayant eu la possibilité de suivre des études secondaires y ont accès.
" Modernes
contre classiques »Cette opposition entre un enseignement primaire de masse, obligatoire pour tous, et un
enseignement secondaire totalement élitiste entraîne au cours de l’entre-deux-guerres un débat autour de « l’École
unique » entre les « modernes » et les « classiques ».
Les premiers souhaitent que tous les enfants passent par les
écoles communales jusqu’à 12 ans avant d’être répartis ensuite selon leurs résultats entre différents établissements
de l’enseignement secondaire.
Ils appellent donc de leurs vœux la suppression du fossé entre primaire et secondaire.
Ils souhaitent également que les diplômes de l’enseignement primaire supérieur (brevet supérieur, certificat
d’aptitudes à l’enseignement pour devenir instituteur) puissent bénéficier d’une équivalence avec le baccalauréat afin
d’élargir l’accès à l’université.
Les « classiques » au contraire, qui sont très attachés à l’élitisme et craignent qu’une
trop forte ouverture de l’université ne se traduise par une baisse de la qualité des diplômes universitaires, souhaitent
renforcer la frontière entre l’enseignement primaire et le secondaire.
Cette opposition explique que les réformes
destinées à ouvrir davantage l’accès à l’enseignement secondaire se heurtent à des blocages et pesanteurs
sociologiques.
Une loi du 31 mai 1933 adoptée par le gouvernement radical d’Édouard Herriot étend la gratuité à la
classe de sixième.
Mais les effets de cette loi sont limités avec la mise en place de nouveaux barrages : création d’un
examen d’entrée en sixième et réforme des programmes dans un sens élitiste afin de refermer les possibilités d’accès
aux masses qu’attirait la gratuité.
En 1938, à la veille de la guerre, sur une population d’environ 6 millions d’élèves,
tous niveaux et tous âges confondus, seuls 195 000 garçons et filles fréquentent le lycée.
À la veille de la guerre, les instituteurs jouent un rôle fondamental au sein de l’École et plus largement dans la
société française.
Depuis Charles Péguy dans L’Argent, en 1913, la formule est devenue célèbre : les instituteurs sont
« les hussards noirs » de la République, en première ligne pour diffuser ses valeurs et la défendre en cas de menace.
Si l’entre-deux-guerres confirme largement le rôle social des instituteurs qui s’était affirmé depuis la fin du XIXe siècle,
la période montre aussi une évolution importante de leur engagement puisqu’au patriotisme fervent affiché avant
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1914 a succédé dans leurs rangs un profond pacifisme qui s’explique par la volonté de ne pas revivre l’hécatombe du
premier conflit mondial.
Lorsque l’on y regarde de plus près, la réalité de l’engagement des instituteurs dans leur
temps révèle une autre histoire, celle de la République et des républicains face à la guerre et aux fascismes.
Il faut
avant tout dire avec Jean-Louis Crémieux-Brillhac dans Les Français de l’an 40, que, comme en 1914, les maîtres et
leurs élèves firent la guerre sans faillir, tous les chiffres et tous les témoignages concordent.
Si on juge l’arbre de
l’enseignement républicain à ses fruits, ce n’est vraiment pas de là que la défaite provient.
Pourtant, en 1940, lorsqu’il
cherche à comprendre les raisons de la défaite, Marc Bloch doute lui aussi des « instituteurs, mes frères ».
Le fait est
que dans l’entre-deux-guerres le Syndicat national des instituteurs (SNI), qui représente plus des deux tiers des
enseignants du primaire en 1938, affiche une ligne pacifiste qui va jusqu’à voter en congrès le principe – rituel dès
avant 1914 – de la grève générale face à la déclaration de guerre.
Mais que signifie ce pacifisme munichois du SNI ?
Incontestablement, il a pesé dans l’opinion et s’inscrit au cœur de la crise d’identité nationale identifiée par Pierre
Laborie.
Il recouvre cependant une attitude commune en 1914 et en 1939 : le patriotisme des instituteurs de l’école
publique n’était pas guerrier, mais il a armé la défense de la démocratie républicaine dans les deux conflits mondiaux.
La mobilisation du pays en faveur de l’effort de guerre perturbe la rentrée scolaire d’octobre 1939.
Il faut s’adapter au
départ des enseignants mobilisés pour le front, à la manifestation des premières pénuries provoquées par l’état de
guerre et qui peuvent porter sur des produits indispensables à la vie quotidienne dans les écoles (papier, charbon), à
la réquisition de certains bâtiments scolaires par l’autorité militaire pour les besoins de l’armée.
Déplacements et
déracinements.
Des plans d’évacuation sont mis en place pour les populations les plus vulnérables.
Les évacuations
les plus importantes concernent les régions frontalières de l’Est, susceptibles de se trouver sous le feu des combats
dès le début du conflit.
Trois cent soixante-dix mille Alsaciens et 160 000 Mosellans sont déplacés en septembre 1939
pour être transférés dans les départements du Sud-Ouest et du Centre.
Des dispositions sont mises en place pour que
les enfants puissent être scolarisés dans les départements d’accueil.
Le déracinement est souvent difficile à vivre pour
ces jeunes qui ont dû tout quitter et se retrouvent dans des régions rurales aux caractéristiques très différentes de
l’Alsace-Moselle.
De crainte que des bombardements ne ciblent la capitale, des mesures d’évacuation ont également
été adoptées pour les enfants parisiens.
Dès la fin août 1939, il fut décidé de maintenir en colonies de vacances les
petits Parisiens ainsi que les instituteurs qui les accompagnaient.
Avant même que la guerre ne soit déclarée, 38 000
enfants quittent Paris dans le cadre d’une évacuation encadrée et organisée à destination du centre et de l’ouest de
la France.
Chaque enfant emporte avec lui un trousseau comportant le strict nécessaire.
Des défis considérables
Pour la plupart de ces enfants, la rentrée scolaire s’effectue début octobre en province.
Elle constitue un défi
Pour la plupart de ces enfants, la rentrée scolaire s’effectue début octobre en province.
Elle constitue un défi
considérable dans les départements d’accueil, où la population scolaire connait une véritable explosion.
Au 25
septembre 1939, pour le seul niveau de l’enseignement primaire élémentaire, la population scolaire est ainsi passée
dans le Loir-et-Cher de 32 000 à 53 000 enfants, dans l’Yonne de 35 000 à 50 000, dans la Nièvre de 30 000 à 48 000,
dans la Charente de 37 000 à 60 000, dans la Vienne de 37 000 à 60 000 (essentiellement en raison de l’évacuation des
populations alsaciennes pour ces deux derniers départements).
Pour accueillir ces nouveaux élèves de nombreux
établissements sont réquisitionnés afin de multiplier les écoles improvisées.
Des instituteurs retraités....
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