PARTIE 2 : Direction d’acteurs : La création d’un personnage authentique
Publié le 24/06/2024
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PARTIE 2 : Direction d’acteurs : La création d’un personnage authentique
La direction d'acteurs occupe une place centrale dans le cinéma d'auteur, se distinguant
comme l'un de ses aspects les plus essentiels.
Tant de moyens et techniques ont été développés
pour atteindre l'authenticité et l'intimité recherchées.
Après avoir exploré comment l'écriture
constitue un acte intime et introspectif pour le réalisateur.
Nous nous intéressons maintenant à
la deuxième phase, celle du partage, et à la manière dont cette intimité se matérialise dans la
relation entre le réalisateur et ses acteurs.
La transition de l'écriture à la direction d'acteurs est
cruciale pour donner vie aux intentions et émotions du réalisateur à travers les performances
des comédiens.
C’est un défi de taille, l'auteur doit trouver la bonne approche pour communique
sa vision du personnage, de manière que l'acteur puisse pleinement incarner le rôle.
Chapitre 1 : Exploration de la profondeur émotionnelle du comédien sous l’impulsion
du metteur en scène
Nous nous concentrons ici sur deux méthodes de directions d’acteurs, celles de Patrice
Chéreau et Constantin Stanislavski.
Ils sont des références incontournables pour étudier le
rapport à l'intimité dans le jeu.
Leurs travaux portent sur une direction d'acteurs centrée sur
l'introspection et la vérité émotionnelle, faisant d'eux des modèles essentiels pour comprendre
la dynamique particulière entre réalisateurs et acteurs.
Sous chapitre 1 : La Méthode Stanislavski : Fondements de la Vérité Émotionnelle :
impact de la vérité émotionnelle sur la performance des acteurs
La méthode Stanislavski, également connue sous le nom de "système de Stanislavski",
nait sous l’impulsion de Constantin Stanislavski (1863-1938) un acteur, metteur en scène et
théoricien russe du théâtre, largement reconnu comme l'un des pionniers de l'art dramatique
moderne.
Fondateur du Théâtre d'Art de Moscou en 1898, Stanislavski a révolutionné le théâtre
avec son approche innovante de la formation des acteurs.
Cette méthode repose sur le concept
de "vivre son rôle", ou "pereživanie" en russe, que l'on peut traduire par "transvivre son rôle".
Selon Stanislavski, l'acteur ne se contente pas de jouer son rôle, mais le recrée en vivant son
personnage de manière authentique et intérieure.
Stanislavski distingue plusieurs types d'art
théâtral, dont l'art authentique ou l'art de la vie émotionnelle.
Cet art se concentre sur
l'authenticité des émotions vécues par l'acteur, qui doit puiser dans ses propres sentiments pour
animer la "matière première" fournie par le texte et le metteur en scène.
Cette approche implique
une profonde introspection de l'acteur, qui doit non seulement comprendre, mais aussi ressentir
et exprimer les émotions de son personnage de manière organique et naturelle.
Un aspect central de la méthode Stanislavski est l'utilisation de la mémoire affective, un
concept inspiré par Théodule Ribot, un philosophe et psychologue français.
Selon Ribot, il ne
s'agit pas seulement de se souvenir des faits, mais de revivre les émotions et les perceptions
corporelles associées à ces souvenirs.
Ce type de mémoire permet à l'individu de ressentir à
nouveau les sons, les rythmes, les images, les sensations et les sentiments liés à une expérience
passée.
La mémoire affective permet à l'acteur de revivre des émotions passées en se
concentrant sur les sensations corporelles et les sentiments associés.
Il a intégré cette idée dans
sa méthode, cherchant à permettre aux acteurs de revivre des émotions passées grâce à un effort
volontaire et conscient, sans aucune stimulation extérieure Cette technique pousse l’acteur à se
baser sur des expériences personnelles plutôt que sur une imitation superficielle .
La co-détermination émotionnelle permet d'atteindre une vérité profonde, car elle
nécessite que l'acteur soit constamment attentif à ses propres sentiments et à ceux de son
personnage.
Cette vigilance assure que chaque réaction, chaque geste, et chaque parole soient
empreints d'authenticité.
L'acteur doit naviguer entre ses émotions réelles et celles du
personnage, ajustant continuellement sa performance.
Cette interaction bidirectionnelle
signifie que l'acteur ne joue pas simplement un rôle, mais voyage dans les introspections du
personnage.
Le personnage, à son tour, est modelé par les expériences et les émotions
personnelles de l'acteur.
Prenons l’exemple simple d'un acteur jouant un personnage
traversant un deuil.
Pour Stanislavski, il ne s'agit pas seulement d'afficher des signes
extérieurs de tristesse, mais de ressentir véritablement la douleur du personnage.
L'acteur peut
puiser dans ses propres souvenirs de perte pour trouver des points d'ancrage, tout en
permettant à l'expérience spécifique du personnage de colorer et de transformer ces
sentiments personnels.
Cette co-détermination garantit que la performance reste vivante et
vibrante, évitant les clichés et les stéréotypes.
Stanislavski fait une distinction claire entre le jeu authentique et le jeu mécanique.
Le jeu
authentique implique une immersion totale dans les émotions du personnage, alors que le jeu
mécanique repose sur des gestes et des expressions stéréotypés sans véritable sentiment.
Les
recherches en neurosciences soutiennent cette distinction, montrant que les émotions
artificielles n'activent pas les mêmes zones du cerveau que les émotions spontanées et
authentique.
Des études neuroscientifiques menés par Dorys Calvert en 2015, démontrent que
les sourires commandés de manière volontaire ne produisent pas les mêmes ondes cérébrales
que les expressions de joie spontanées.
Cela corrobore la distinction faite par Stanislavski
entre le sentiment intérieur scénique de l'acteur dans le jeu authentique et le sentiment
artisanal de l'acteur dans le jeu mécanique.
En début de tout apprentissage, les aires corticales
du cerveau s'activent, mais avec la pratique et la répétition, ces actions deviennent plus
automatiques et sont gérées par d'autres régions du cerveau, renforçant ainsi l'authenticité des
émotions exprimées.
Stanislavski a développé les concepts de "contrôleur interne" et "contrôleur externe"
pour aider les acteurs à gérer leur état physique et émotionnel sur scène.
Le "contrôleur
interne" est une faculté que l'acteur doit développer pour surveiller et corriger les tensions
musculaires qui apparaissent de manière involontaire pendant la performance.
Cette vigilance
interne permet à l'acteur de maintenir un état de relaxation nécessaire à l'authenticité de son
jeu.
Stanislavski insiste sur l'importance de ce contrôle, car les tensions musculaires
artificielles peuvent empêcher les émotions de circuler librement et de s'exprimer de manière
authentique.
Bien que moins mentionné que le contrôleur interne, le concept de "contrôleur
externe" peut être compris comme l'ensemble des techniques et des retours externes qui aident
l'acteur à maintenir l'authenticité de sa performance.
Cela inclut les retours du metteur en
scène, les interactions avec les partenaires de scène, et l'observation des réactions du public.
Le contrôleur externe agit comme un miroir, reflétant l'authenticité de l'acteur et lui
permettant d'ajuster son jeu en conséquence.
Stanislavski met en avant l'importance de la relaxation musculaire comme une
condition préalable à l'authenticité du jeu.
Les tensions musculaires peuvent bloquer la libre
circulation des émotions et créer une barrière entre l'acteur et son personnage.
En libérant ces
tensions, l'acteur permet à ses....
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